Depuis quelques années, j’interviens dans des écoles, des collèges et des lycées afin d’éveiller le regard des élèves et leur donner envie de créer. Faire des images semble être un bon support, tant artistique que pédagogique et permet de se poser de nombreuses questions, de réfléchir ensemble et de mettre en action ces réflexions. En 2015, j’ai réalisé un stage de photographie à la maison d’arrêt de Fleury Mérogis. Le public était différent de celui dont j’avais l’habitude et cette expérience a été très enrichissante, d’un point de vue pédagogique, mais aussi humain.
Le projet de la Fondation Vallée (hôpital psychiatrique pour enfants et adolescents), que nous menons depuis trois ans avec la Maison Doisneau, m’a semblé être une suite logique : animer des ateliers artistiques pour un public (un peu) différent. L’envie d’expérimenter avec les adolescents de la Fondation m’a permis de monter un projet riche en références culturelles et en expériences graphiques. Nous travaillons avec Sarah Gay, médiatrice culturelle de la Maison Doisneau, en étroite collaboration avec les différents acteurs de la Fondation Vallée afin d’être au plus près des besoins des adolescents. Cette proximité et ces nombreux échanges apportent une autre approche de la pédagogie et je trouve cela passionnant.
Une troisième année riche en créations
Pour cette troisième année consécutive d’ateliers photographiques au sein de la Fondation Vallée, j’ai choisi de travailler sur l’idée de série photographique. Ce thème très large nous permet d’aborder plusieurs points cruciaux de la pratique photographique tout en permettant à chaque élève de choisir son sujet et de s’exprimer à travers ses images. Un atelier de création photographique est en constante évolution : même si le programme est défini à l’avance, il nous arrive de revoir les séances en fonction de nos échanges avec les adolescents.
J’ai proposé que nous travaillions autour de la typographie, afin de donner un rythme à nos futures séries. Nous sommes donc partis dans la ville à la recherche des différentes typographies (devantures de magasins, graffitis, affiches…). Chacun a défini un sujet sur lequel il a continué ses recherches. Nous avons ajouté des photos : des matières, des couleurs et des objets, afin de dynamiser les séries et de les rendre plus complètes. Chaque élève a donc du réfléchir à l’articulation de ses images, et ainsi les discussions autour du choix des photographies, des cadrages, du rythme, et des correspondances entre les images s’est fait naturellement.
Des séances-séquences
Les séances (représentant douze heures d’interventions pédagogiques pour chacun des deux groupes d’adolescents) se sont déroulées d’octobre à avril, à raison d’une séance par mois environ. Ces ateliers périodiques nous ont permis d’avoir du recul sur le travail effectué, et de discuter des images réalisées. Ces discussions ont une place prépondérante dans les ateliers, qui sont bien sûr construits autour de la prise de vue photographique, mais aussi du choix des images (editing) ainsi que de réels moments d’échanges sur les intentions des apprentis photographes. Ont-ils réussi à faire passer l’émotion ou le message qu’ils désiraient ? Les autres élèves comprennent-ils les images ? Que peut-on dire d’une image lorsque l’on a assisté à sa fabrication ? Autant de questions essentielles pour faire comprendre aux élèves que la photographie peut également susciter un vrai questionnement sur notre rapport au réel.
Une ouverture sur le monde
Au travers de la photographie, j’espère apporter aux élèves une ouverture sur le monde, une façon de regarder leur quotidien sous des angles différents, et surtout une envie de créer. Je souhaite que les élèves aient envie de continuer à photographier lorsque le projet sera terminé. J’encourage les adolescents à sortir du cadre, à se laisser porter par leur imagination et à faire des propositions visuelles. Parfois la poésie apparait par le biais d’une image ou dans une discussion, il me semble alors avoir atteint mon objectif : permettre aux élèves d’appréhender la beauté du quotidien et toutes les possibilités qu’offre la photographie.
Leila Garfield
Photographie à l'école 